Place aux interprètes !
C’est un bel automne. Chez Robert Schumann, on attend avec impatience la venue de Joseph Joachim, violoniste virtuose dont la visite laisse présager d’intenses moments d’amitié et de musique. Autour de Robert, Albert Dietrich, un de ses élèves, et le jeune Johannes Brahms. Un jeu est lancé : « composons une sonate pour Joachim, un mouvement chacun, et nous verrons s’il peut deviner qui en est l’auteur ». Aussitôt dit, aussitôt fait : octobre 1853 est occupé à l’élaboration de la sonate-devinette, dans l’élan de la joie partagée. Les notes fa (F), la (A) et mi (E) servent de base thématique, ces trois lettres servant d’acronyme à la devise du violoniste : Frei Aber Einsam (libre, mais seul). Brahms écrira le Scherzo, et l’on dit que Joachim en fut convaincu dès la première lecture.
Deux immenses sonates du répertoire entourent ce Scherzo nerveux et ardent, toutes deux dédiées, elles aussi, à d’immenses violonistes. Celle de Debussy est composée en pleine guerre. Malade, le musicien doit renoncer à une tournée aux États-Unis avec Arthur Hartmann. Trop atteint pour partir avec le violoniste, il achève néanmoins la sonate qu’il avait l’intention de créer avec lui, et dont il écrit qu’elle montrera à la postérité « ce qu’un homme malade peut écrire durant une guerre ». La Sonate à Kreutzer, enfin, plus fameuse des sonates de Beethoven, doit son surnom à sa dédicace, à Rodolphe Kreutzer – même si ce dernier ne la joua jamais en public !
Hommage aux grands interprètes, aujourd’hui, dont les amitiés comme les inimités inspirèrent les compositeurs. Belle écoute !
En collaboration avec Schubertiade Sion